
Louise Jallu
Solo
Tango d’aujourd’hui
Autour de l’instrument et de la personnalité de Louise Jallu, un concert avec bandonéon, emblème, tendre ou endiablé, de l’histoire, quelquefois tragique de l’immigration à travers le tango (mot qui désignait à l’origine le lieu où l’on enfermait les esclaves avant embarquement). A 25 ans, l’artiste passionnée nous offre ces musiques d’une beauté fauve ou sombre, en solo ou en quartet.
Le compositeur Bernard Cavanna vient de prendre sa retraite du poste de direction du Conservatoire de Gennevilliers et on doit reconnaître que ses 30 années à ce poste ont inscrit en lettres d’or le nom de la petite commune des Hauts de Seine au tympan de la cathédrale de la musique et en particulier dans le monde de l’accordéon, du bandonéon, de l’Argentine et du tango.
A cinq ans la jeune Louise y faisait son entrée. Coup de foudre pour le bandonéon, ce drôle d’instrument, conçu en Allemagne au milieu du XIXe siècle, originairement destiné au folklore d’Europe de l’Est, puis devenu l’emblème de la musique argentine.
Quelques années plus tard, diplômes en poche, elle crée son propre ensemble à 19 ans, Tango Carbón. Après de multiples expériences et collaborations, c’est un premier album : coup double, deux disques pour remonter aux sources du tango au fil d’un siècle de fièvre créatrice.
C’est le livre d’Albert Londres, Sur le chemin de Buenos Aires (1927), enquête du grand journaliste sur la « traite des Blanches », les colis, comme disent les gens du milieu, qui la met sur la piste de Francesita (« la petite française »). Jeunes filles embarquées pour arpenter les trottoirs d’Amérique du Sud…
« Ce que nous interrogeons, d’une certaine façon, c’est faire revivre la parole des fantômes », loin de l’image fantasmée que nous avons de cette « tradition argentine », la souffrance et les plaintes qui traversent toutes ces musiques urbaines de la charnière du XXe siècle : rembetiko, fado, blues, flamenco… Mais nous sommes au XXIe et les arrangements de Louise Jallu et de Bernard Cavanna sédimentent ces pièces des apports de la musique contemporaine, du souci du timbre, de suspensions, de silence, de nouveaux modes de jeu.
Les musiciens qui l’accompagnent ou qu’elle invite sont ses compagnons de route. Une route qui s’ouvre avec cette éclaireuse de 25 ans vers un continent tragique transfiguré par la tendresse et l’invention.
Ces concerts sont soutenus par Musique Nouvelle en Liberté.