Festival de Chaillol – édition 2020 : sous l’annulation, une évolution
Nous sommes d’un temps où ce qui compte, peut-être, c’est une fleur apparue entre des dalles disjointes, ou même moins encore. Philippe Jaccottet
Bien sûr, nous aurions aimé faire exception, braver fièrement la tempête et annoncer l’impossible. Nous ne le ferons pas.
Par responsabilité et par solidarité avec toutes celles et ceux qui luttent contre le virus et ses effets dévastateurs, ainsi que celles et ceux, notamment dans les services publics, dans les commerces de proximité, qui ont pu alléger autant que possible l’épreuve du confinement.
Tristesse donc à l’heure d’annoncer, le cœur lourd mais l’esprit clair, l’annulation sans report de l’intégralité de la 24e édition du Festival de Chaillol.
Il y eut le temps de l’incrédulité, de la sidération, du déni, de l’espoir ténu, de l’abattement devant les effets dévastateurs d’un virus incontrôlable ;
Il y eut presque aussitôt le temps de l’échange, de l’écoute, du partage, centaine d’heures passées au téléphone ou en visioconférence, tous azimuts, premiers fils d’une solidarité qui reste à tisser plus solidement ;
Il y eut saturation jusqu’à l’étourdissement, chaos d’émotions confuses et d’informations contradictoires, tamisées patiemment et méthodiquement pour les ordonner et se situer ;
Il y eut, après quelques jours de flottement, une intense activité de l’équipe de l’Espace Culturel de Chaillol, de son bureau, pour mûrir une décision, en préciser les contours, en mesurer les conséquences – artistiques, juridiques, financières – puis calibrer des engagements solidaires au plus près des situations vécues, informer les artistes et les partenaires ;
Puis…
Il y eut la prise de conscience progressive que quelque chose résistait sous l’annulation, palpitation fragile mais têtue qui s’obstine et dicte ses premiers mots ;
Il y eut un temps de silence, élaboration précautionneuse puis plus nettement affirmée d’un nouvel équilibre pour renouer avec la joie de faire plutôt que de s’abîmer sans fin dans le seul désespoir d’accompagner la défaite.
Il y eut la découverte enthousiaste de situations et de modalités de présence des artistes, encore non entravées, modestes et essentielles, en ce qu’elles réservent la possibilité d’un geste juste, d’une perspective désirable, d’un lien à soi, aux autres, dans et par les œuvres, ressources inaltérables ;
Il y eut la nécessité d’un retour aux textes, lectures inspirantes – Philippe Jaccottet, en tête et indispensable qui, d’un vers lumineux, conforte et éclaire un chemin ;
Il y eut la plongée concomitante dans la Déclaration de Fribourg et dans divers textes et rapports relatifs aux droits culturels, qui vivifient les enjeux d’accès, de participation et de contribution des individus à la vie culturelle ;
Il y eut d’autres conversations, de nouvelles rédactions assorties d’équilibres budgétaires de plus en plus précis, de protocoles à imaginer ;
Il y eut la certitude, ancrée dans nos journées de travail, que nous avions trouvé une voie de passage et pas seulement un ersatz ou une proposition par défaut : une intention belle, féconde, réjouissante ;
Il y aura, de juillet à décembre, dans les Hautes-Alpes, de nombreuses semaines artistiques et culturelles, contribution solidaire des artistes et des habitants. Il y aura encore et toujours des désirs à habiter, des savoirs à mobiliser, des récits à partager, des sourires à s’adresser.
Michaël Dian, le bureau et l’équipe de l’Espace Culturel de Chaillol